Voici un cas d’une extrême rareté : un village conçu et réalisé par
une femme, et cela dans une seigneurie dont elle n’est même pas la
seigneuresse.
Au début des années 1820, Marie-Flavie Raymond (1804-1877), fille du
riche marchand de Laprairie et co-député de Huntingdon, Jean-Baptiste Raymond,
décide de fonder un village à l’instar de son père qui a fondé La Tortue
(Saint-Mathieu), dans la paroisse de Saint-Philippe-de-Laprairie.
Son père lui a en effet donné de vastes terres dans la pointe nord-ouest
de la seigneurie de Léry avec quelque débordement dans la seigneurie de
Laprairie et dans le canton de Sherrington, terres qui longent l’amorce du chemin reliant
Laprairie à Saint-Philippe et qui doit se prolonger jusqu’au Coin Douglass, à
Saint-Cyprien.
Dès 1823, Mademoiselle Raymond (elle épouse John McCallum en 1824) entreprend de vendre ses
terrains dans le but d’y faire naître une agglomération, opération terminée en
1828.
Le village contient alors 63 lots pour une superficie totale 35,5
arpents.
Elle fait rédiger les contrats de vente de manière à décourager le
paiement rapide du capital préférant toucher les intérêts le plus longtemps
possible.
Elle fixe d’ailleurs le taux de ces intérêts à 6% du capital, auxquels
elle ajoute des redevances de style seigneurial qui peuvent varier du simple au
décuple sans que ces différences aient quelque lien que ce soit avec la
superficie ou la qualité des lots ainsi vendus…
À ces conditions, elle impose aux acheteurs de construire une maison
dans les deux ans et de clôturer leur terrain.
En revanche, elle ne force personne à entretenir les rues ce qui, du
point de vue de l’acheteur, est plutôt favorable.
La plupart des acheteurs viennent de Laprairie et seulement quelques uns
de Saint-Philippe, de Saint-Cyprien et de L’Acadie.
L’agglomération ne sera érigée en paroisse que le 26 novembre 1834.
Marie-Flavie Raymond fait donc mentir l’habitude de penser que, dans la
zone seigneuriale, seuls les seigneurs planifiaient et implantaient des
villages de leur choix.
Saint-Jacques en est le contre-exemple parfait.
Mais il y a une autre singularité dans cette histoire.
Marie-Flavie Raymond est en effet l’arrière-grand-mère… de Maurice Duplessis,
premier ministre du Québec de 1936 à 1939, et de 1944 à 1959.
Elle a épousé John McCallum et en a eu, notamment, Marie-Charlotte Esther Emma, laquelle a épousé Laurent Ubalde Genest.
Et Marie-Florence Bernadine, la fille de ces derniers, a convolé en justes noces avec Nérée Le Noblet
Duplessis puis a donné naissance à Maurice…
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