En cette année 1966, le village
de Saint-Cyprien doit reconnaître qu'il a perdu sa bataille : Québec vient
de détacher une partie de son territoire pour le donner au village voisin de
Napierville.
Se pliant à des demandes de
promoteurs immobiliers locaux, Québec a en effet cédé à Napierville - sans
compensation à Saint-Cyprien - un vaste territoire compris entre le rang des
Patriotes Nord et le terrain de camping.
Pourtant, la bataille a été rude
et le maire Rogel Lamoureux s'est démené tous azimuts pour empêcher cette
déprédation.
Dès le 22 janvier 1962, donc 4
ans avant, il convoque une réunion spéciale de son Conseil municipal pour
aviser aux moyens à prendre pour empêcher cette saisie injustifiée.
Important organisateur libéral
dans la région, Rogel – comme tout un chacun se plaît à le désigner – croit
bien qu'avec les Libéraux de Jean Lesage au pouvoir il pourra stopper ce qu'il
considère comme une incongruité insupportable.
Ayant ses entrées dans le parti,
il convainc donc son Conseil d'embaucher Me Gervaise Brisson pour
piloter le dossier.
Ce choix n'a rien de
désintéressé puisque Me Brisson est une avocate haut placée dans la
hiérarchie libérale et elle est notamment, à cette époque, secrétaire de la
« Commission d'enquête sur les méthodes d’achat utilisées au département
de la Colonisation et au Service des Achats du gouvernement du 1er juillet 1955 au 30 juin
1960 ».
Il s'agit d'une commission chargée de faire la lumière sur les agissements
financiers douteux de l'administration Duplessis.
On veut embaucher un tel poids lourd, car l'heure est grave puisque
le Conseil municipal de Napierville a déjà adopté une résolution intégrant les
terrains convoités dans son propre territoire.
Le maire Lamoureux se fait donc
voter, lors d'une autre assemblée spéciale, une résolution lui donnant à lui et
au conseiller Alexandre Morin le mandat de « faire au nom de cette
corporation (Corporation municipale de Saint-Cyprien) tous les pas et démarches
et à signer toutes procédures nécessaires pour faire annuler ladite résolution
du conseil de la corporation du village de Napierville et pour s’objecter
(sic!) devant toute autorité à l’annexion demandée dans ladite résolution et à
avancer le déboursé nécessaire à Me Gervaise Brisson à ces fins. »
Pendant 4 ans,
« Rogel » va mener sans relâche une guérilla politique et judiciaire,
mais à la fin du compte la triste réalité s'imposera : les promoteurs ont
des appuis partisans plus solides que les siens…
L'annexion se fait en 1966.
En réalité, on se demande où
se trouvait l'urgence puisque ces terrains usurpés sont seulement maintenant en
train d'être développés, un demi-siècle après les faits.