Nous sommes fin juin 1977 et Saint-Jean s’apprête à perdre
une communauté religieuse qui lui aura dispensé des services aussi précieux que
délicats durant plus d’un demi-siècle, une communauté à l’histoire longue et
complexe.
Comme chacun sait, le Québec de la fin du XIXe
siècle et du début du XXe a connu une saignée démographique massive alors que
des villages agricoles entiers se vidaient au profit des usines textiles de la
Nouvelle-Angleterre.
Là-bas, le flux migratoire s’avérait si puissant que les Québécois
y ont reconstitué leurs propres institutions : paroisses, clubs sociaux,
sociétés d’entraide…
En 1889, Worcester, au Massachussetts, a même vu la naissance
d’une nouvelle communauté religieuse de
femmes, la communauté des Petites
Franciscaines de Marie née à la demande du curé Joseph Brouillet, qui vient d’y fonder un
orphelinat.
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Curé Brouillet |
Malgré leur zèle, l’évêque local refuse d’agréer leur
fondation.
Voilà pourquoi, deux ans plus
tard, en
1891, elles «atterrissent» à Baie Saint-Paul où les accueille à bras
ouverts le curé Ambroise-Martial Fafard qui vient d’y ouvrir l’Hospice
Sainte-Anne destiné à héberger des vieillards délaissés et quelques personnes
avec un handicap intellectuel.
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Curé Fafard |
Des Québécoises revenaient chez elles…
De là commence leur expansion et la communauté comptera en
tout plus de 35 maisons au Québec et ailleurs dans le monde.
À Saint-Jean, c’est en 1925 qu’elles s’établissent.
Une de leurs résidentes à Montréal, Mathilde
Durocher, alors âgée de 83 ans, signale aux sœurs que dans sa ville natale –
Saint-Jean – il n’y a pas d’orphelinat.
Grave lacune que les Petites Franciscaines décident de
corriger sur le champ.
Installées d’abord au 160 de la rue Champlain, où elles
arrivent à caser 12 pensionnaires, les sœurs déménagent au 170 de la rue Longueuil
dés le mois suivant.
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C’est dans cette maison – petite et mal équipée – qu’elles
vont exercer leur ministère durant la quasi-totalité de leur séjour chez nous.
Les débuts sont évidemment particulièrement pénibles :
le généreux gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau leur accorde une
subvention princière de 0,25$ par pensionnaire par jour.
Dès le début, la maison a accueilli près de 70 enfants, mais
il a fallu rapidement agrandir les lieux et, en 1928, les sœurs ouvraient même un
jardin d’enfance : il y eut 213 inscriptions dès la première année.
Le jardin d’enfance a continué jusqu’en 1937, année où
obligation fut faite aux sœurs de n’accepter, dorénavant, que des
pensionnaires.
Néanmoins, l’institution subsistait et la « Rue
Longueuil », comme on l’appelait familièrement, connaissait une bonne
renommée.
En 1965, toutefois, nouveau déménagement : les sœurs ont
construit, boulevard Saint-Luc, le gigantesque Centre familial Thérèse-Martin
plus adapté à leurs besoins (cet immeuble est de nos jours devenu le CHSLD
Gertrude-Lafrance).
12 ans plus tard, et après 52 ans de présence, la communauté
quitte Saint-Jean le 30 juin 1977 pour relever d’autres défis.