mardi 28 novembre 2017

ALCOOL ET ASSURANCES...



C’est bien connu :  le Québec n’est pas du tout comme le reste de l’Amérique du Nord.
 
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En 1921, le gouvernement d’Alexandre Taschereau en donnait une nouvelle preuve en adoptant la Loi sur les boissons alcooliques qui créait la Commission des liqueurs de Québec (ancêtre de la SAQ actuelle).



Alors que la prohibition sévit tant aux États-Unis qu'au Canada et qu'elle contribue à faire naître de puissantes mafias et de vastes réseaux de contrebandiers, le Québec ne se contente pas d’autoriser la vente d’alcool, mais il s’en réserve même le monopole commercial.
 
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Puis, pour protéger ce monopole, la même loi crée la police des liqueurs[1] dont le premier nom officiel fut « Service de surveillance de la Commission des liqueurs ».


Et il faut dire que ces policiers ont eu fort à faire[2], car le monopole étatique était fort mal vu de tous ceux qui misaient sur les alcools pour épaissir leur portefeuille.


Les journaux font d’ailleurs souvent référence aux interventions des agents de l’ordre pour faire respecter toutes les interdictions prévues par la loi et il va de soi que nombre d’infractions n’ont été ni découvertes ni sanctionnées.


C’est d’ailleurs l’argument que servira Alphonse Tougas, en 1922, dans sa poursuite contre la compagnie d’assurance « La Moderne », laquelle ne voulait pas l’indemniser pour l’incendie qui avait détruit sa beurrerie d’Henryville.


En défense, la compagnie alléguait que la beurrerie abritait un commerce clandestin de vente d’alcool et que ce commerce avait fait augmenter le risque, ce qui annulait la police d’assurance. 


Assez habilement, M. Tougas assura alors qu’il n’avait jamais eu connaissance de ce commerce clandestin et qu’on ne pouvait pas le blâmer pour cette ignorance puisque la police des liqueurs elle-même n’arrivait pas à identifier tous les contrevenants.


Le juge accepta cet argument et ordonna donc à la compagnie de payer l’indemnité prévue par la police d’assurance, soit 3 000$.


Comme quoi l’inefficacité supposée de la police des liqueurs était une opinion bien partagée.






[1] Les agents de la police des liqueurs seront intégrés à la Police provinciale – ancêtre de la SQ – en 1938.


[2] http://histoirehautrichelieu.blogspot.ca/2017/03/est-pris-qui-croyait-prendre.html
[3] Bien qu'approuvé par l'État, l'achat et la vente d'alcool avaient quand même un caractère quelque peu honteux.  C'est pourquoi, durant de très longues décennies, les bouteilles étaient cachées derrière un comptoir grillagé où les clients n'avaient pas accès.  C'étaient des préposés qui livraient l'achat - une seule bouteille à la fois - dans un sac de papier, supposément pour protéger le caractère quelque peu secret de la transaction...