mardi 1 juillet 2014

LE TRAIN ASSASSIN[1]




Saint-Jean, on le sait, a été le berceau du train en Canada avec la liaison Saint-Jean – Laprairie lancée dès 1836 par la compagnie Saint-Laurent et Champlain.

Ce que l’on sait moins, c’est que le train, qui devait accentuer les succès économiques de Saint-Jean, va plutôt le précipiter dans le récession.

Rappelons-nous : au début du 19e siècle, la ville est devenue très prospère grâce au commerce avec les États-Unis, commerce du bois d’œuvre principalement et qui profite amplement de la voie d’eau constituée par le Richelieu, le lac Champlain, les autres lacs et le fleuve Hudson.

Or, dès 1851, la Saint-Laurent et Champlain prolonge sa voie jusqu’à Rouses Point, dans le New York, et se raccorde à la ligne reliant Boston et New York.

Puis, ce qui va devenir le Grand Tronc étend son réseau vers les Cantons de l’est et vers le Maine.


Dès cet instant, le déclin de Saint-Jean est inscrit dans les cartes, car les nouvelles voies évitent la ville.

De plus, le transport ferroviaire est beaucoup plus rapide et efficace que le transport maritime et, dorénavant, on n’expédie plus le bois d’œuvre sous forme de grumes, mais sous forme de planches et madriers… qui craignent l’eau.

Résultat : les entrepreneurs fuient, les entreprises s’installent ailleurs et la population stagne.

En 1851, la population de Saint-Jean était comparable à celle de Sherbrooke et à celle de Saint-Hyacinthe.

Ces deux dernières, favorisées par le Grand Tronc, voient leur population exploser, celle de Saint-Jean piétine.


Entre 1851 et 1901, la population de Sherbrooke quadruple et celle de Saint-Hyacinthe triple presque alors que celle de Saint-Jean ne croît que de 25%.

Les conseillers municipaux, qui sont souvent aussi des entrepreneurs, se votent des exemptions fiscales et des subventions «pour soutenir l’emploi», mais sans grand succès.

À part la Singer, qui a été attirée à grands frais, peu des entreprises subventionnées survivent plus de 2 ou 3 ans.


Bref, même si la ville s’est lourdement endettée et a dû augmenter le fardeau de ses taxes et impôts pour financer le secteur privé avec de l’argent public, le résultat a été presque négligeable.


[1] Inspiré de Kathleen Lord :  http://id.erudit.org/iderudit/1018122ar