![]() |
Henriette Odin Feller |
Il y a 180 ans débutait dans
la Grande Ligne de Saint-Blaise une vaste offensive visant à faire disparaître la
culture québécoise de l’Amérique du Nord.
Dans les faits, dès la
conquête, les envahisseurs britanniques avaient souhaité que toute trace
française disparaisse de leurs nouvelles possessions.
La menace d’invasion que
faisaient planer les États-Unis exigeait toutefois que les forces d’occupation
ménagent leurs « nouveaux sujets » de crainte de les voir se liguer
contre elles.
Quelques
« droits » constitutionnels furent donc concédés du bout des lèvres,
à la fin du 18e siècle, mais avec l’arrière-pensée de les retirer à
la première occasion.
Au début du 19e
siècle, cette occasion semble se présenter, du moins aux yeux de la société
biblique de Londres, une société missionnaire protestante.
Toutefois, il apparaît à
cette organisation que de s’attaquer directement à la langue de la population
française est une entreprise vouée à l’échec.
Il lui paraît plus judicieux
d’envoyer d’abord des missionnaires protestants francophones, en se disant
qu’une fois « protestantisés », les Québécois seront plus faciles à
« angliciser ».
C’est dans cette perspective
que deux protestants suisses francophones -Henriette Odin Feller et Louis Roussy
– sont installés à la Grande Ligne.
Ils y sont accueillis à bras
ouverts par le seigneur du lieu, William Plenderleath Christie, qui rêve lui
aussi depuis longtemps d’angliciser ses censitaires francophones.
Très rapidement, avec l’aide
financière généreuse de Christie et d’autres personnages très à l’aise, la
mission de la Grande Ligne s'étend.
Dès 1890, un très vaste
collège est prêt à accueillir des élèves francophones qu’il s’agira d’évangéliser
massivement.
Il va de soi qu’en se
faisant offrir un tel luxe
éducatif, la clientèle ne se fait pas attendre et
dès 1902, l’institut Feller, comme il s’appelle, prend une nouvelle expansion et
atteint carrément l’opulence.
Et, petit à petit, l’enseignement
en français devient bilingue pour passer rapidement à l’unilinguisme anglais.
La véritable mission de l’institut
s’affichait publiquement désormais.
Et l’aventure dura jusqu’en
1968, alors qu’un vaste incendie réduisit le collège en cendres.
Mais il avait atteint une
bonne proportion de ses objectifs et de ceux de ses riches adeptes puisque même
dans le petit cimetière Douglass, de Saint-Cyprien, on voit des pierres
tombales portant des noms français, mais des inscriptions en anglais.
« Protestantiser »
pour « angliciser » a assez bien fonctionné dans notre région avant
le sursaut des années 1970…