mardi 25 décembre 2018

À TOUTES ET À TOUS...

À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, le Conseil d'administration de la Société d'histoire du Haut-Richelieu offre ses meilleurs vœux pour un très joyeux Noël.

mardi 18 décembre 2018

LE FORT CONSTRUIT AVEC LA PIERRE ENNEMIE…




À peine signé, en 1814,  le traité de Gand[1] mettant fin à la guerre de 1812 entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, semble déjà sur le point d’être violé.

Les forces d’occupation britanniques sentent immédiatement le besoin de renforcer les défenses, surtout pour protéger les approvisionnements du Haut-Canada, jugé plus précieux car majoritairement anglophone.

Et, cette protection passe nécessairement par la défense de Montréal, maillon capital protégeant la voie fluviale du Saint-Laurent.

Or, il semble évident aux stratèges que Montréal toute seule ne saurait pas se défendre adéquatement et qu’il faut au moins bloquer entièrement le Richelieu afin de protéger la ville.


Mais une question épineuse se pose : faut-il continuer à miser sur une éventuelle suprématie navale – ce qui a été ruineux lors de la guerre de 1812 – ou faut-il plutôt miser sur des défenses terrestres?

Toutes choses considérées, la voie terrestre est privilégiée, surtout que les Étatsuniens semblent beaucoup mieux équipés côté construction marine et qu’ils ont justement érigé un fort[2] à Rouse’s Point, près de frontière là où le lac Champlain se déverse dans le Richelieu.

Après de longues tergiversations, la décision est prise de construire un fort de pierre dans l’Île aux Noix et les travaux sont lancés en 1819.

Désireuse, dans la mesure du possible, de n’avantager que des compatriotes, l’armée se tourne vers des entrepreneurs qui, souvent, ont été d’anciens soldats ayant conservé de solides liens avec la hiérarchie militaire et qui sont susceptibles de profiter de renseignements privilégiés.

Dans le cas de Peter Rutherford, il s’agit d’un commerçant de Montréal bien en selle dans les milieux huppés.


C’est lui qui est choisi pour fournir la pierre devant servir à la construction de la forteresse.

Bien sûr, il y a bien de nombreuses carrières au Bas-Canada, mais y recourir avantagerait des entrepreneurs canadiens français, ce qui n’est pas du goût des anglophones.

Rutherford préfère contacter ses liens d’affaires au Vermont et, alléguant que les carrières canadiennes-françaises sont trop éloignées et que le coût du transport serait prohibitif, il achète sa pierre à une carrière de l’île La Motte, en plein territoire ennemi…

Quand on dit que l’argent n’a pas d’odeur…


[1] Entré en vigueur en février 1815.
[2] Appelé familièrement Fort La Gaffe (Fort Blunder), car construit en territoire britannique à la suite d’une erreur d’arpentage…

mardi 11 décembre 2018

MORT D’UN GÉANT


Docteur Roméo Rochette - Source : SCA

En ce 12 décembre 1958 décède à l’Hôtel-Dieu de Montréal le célèbre docteur Roméo Rochette, fondateur et chef du service d’anesthésie de ce même hôpital.

Né dans la paroisse de Saint-Cyprien-de-Napierville en 1895, Roméo Rochette était fils et petit-fils de médecins.

C’est donc presque « naturellement » qu’après de brillantes études au Collège de Montréal il s’inscrit à la Faculté de médecine de l’université de Montréal (qui vient tout juste de se détacher de l’université Laval de Québec) où il décroche son doctorat en médecine (M.D.) en 1922.
 
Hôtel-Dieu           Source : Jacques Nadeau - Le Devoir

Interne à l’Hôtel-Dieu dès 1921, il devient chef interne 3 ans plus tard avant de se faire offrir un poste non rémunéré d’assistant anesthésiste toujours au même hôpital.

Pour arriver à boucler son budget, il se voit toutefois forcé de renoncer quelque peu à cette spécialisation et d’ouvrir un cabinet de médecine générale, expérience qui lui déplaisait et dont le tire l’anesthésiste de l’hôpital, le docteur Charles Larocque.

Celui-ci lui offre en effet en 1927, une rémunération suffisante qui rendait son cabinet superfétatoire et qui lui permettait de se consacrer à temps plein à l’anesthésie, discipline tout à fait nouvelle à l’époque et qui pose alors ses solides fondations scientifiques.

Il s’agissait en fait de remplacer le docteur Adrien Larose, bras droit officiel de Larocque, mais bras droit tellement diminué par la maladie qu’il est presque perpétuellement absent.

Rochette déploie alors dans son nouveau poste un tel enthousiasme, un tel dévouement envers les patients et un tel souci de suivre au plus près les découvertes et les percées technologiques dans son domaine de prédilection qu’en 1934, après la mort de Larocque et de Larose, il devient bien entendu le chef anesthésiste de l’établissement.

En fait, c’est un véritable service d’anesthésie qu’il fonde alors et auquel il va assurer une très grande réputation.

À un point tel, d’ailleurs, qu’en 1943, lorsque les anesthésistes de l’époque décident de se doter d’une association professionnelle – la Société canadienne des anesthésiologistes – Roméo Rochette en devient vice-président fondateur, ce qui illustre bien la cote d’estime dont il jouissait auprès de ses pairs. 

C’est peu de dire que son décès en 1958, à 63 ans, a été durement ressenti par toute la profession, car c’était un pan entier de sa construction et de son  histoire qui disparaissait ainsi.
                         

mardi 4 décembre 2018

LE DÉCÈS DU GEÔLIER




Comme chacun sait, les geôliers ont en général mauvaise réputation et sont mal aimés de la population.


Ce n’était en tout certainement pas le cas de Domina Goyette, geôlier à la prison longtemps installée à l’arrière du Palais de justice.



À preuve, le Canada français du 31 mars 1949 souligne de façon marquée le décès de cet agent hors norme.


Monsieur Goyette était réputé pour tous ses égards envers les prisonniers sous sa garde, allant même à l’occasion jusqu’à leur offrir des repas de gala sur une table expressément dressée pour eux.


Il était aussi réputé pour ses excellentes relations avec tout le personnel de l’appareil judiciaire, de telle sorte que lors de ses obsèques, ce sont véritablement le ban et l’arrière-ban des fonctionnaires de justice qui ont tenu absolument à faire acte de présence.



Fait à noter, ces égards n’étaient pas uniques, car l’année précédente, le Canada français du 2 décembre 1948, déjà, signalait comme à regret le départ à la retraite de ce fidèle serviteur du bien public.
À ce moment, le Barreau, les magistrats et le protonotaire… tous s’y sont mis pour souligner ses mérites et pour lui offrir une bourse en marque d’appréciation.


On serait bien étonné, de nos jours, de voir un tel déferlement de considération.


mardi 27 novembre 2018

QUANT ON BÉNISSAIT LES NOUVELLES RUES



Source : Canada français

En ce 20 novembre 1938, la ville de Saint-Jean est en liesse.


Le tant attendu nouveau boulevard Saint-Joseph, qui relie le boulevard du Séminaire à la rue Champlain, est finalement inauguré.


Le besoin de cette nouvelle artère était en effet évident depuis qu’on lui avait fixé 3 objectifs : sécuriser l’accès à l’école du lieu, faire travailler les chômeurs et, surtout, offrir un nouveau pôle d’attraction pour les investisseurs et les entreprises si nécessaires au développement économique de la collectivité.


En ce beau dimanche, donc, une bonne partie de la population jeannoise s’est rendue sur place pour écouter les politiciens pérorer sur leurs éminentes qualités et sur les services qu’ils ont rendus à la population grâce à leur opiniâtreté…
 
Mgr Anastase Forget

Puis arriva en grande pompe l’évêque Anastase Forget venu en personne bénir cette nouvelle voie, ce qui lui rappelle que le chrétien, justement, chemine tout le long de sa vie.


Et d’avoir choisi comme patron de cette voie le père adoptif de Jésus lui semble aussi d’excellent augure.


L’histoire ne dit toutefois pas si cette intervention diocésaine a facilité ou accéléré l’atteinte des 3 objectifs visés à l’origine.


mardi 20 novembre 2018

UNE GRANDE ERREUR ARCHÉOLOGIQUE...




De temps immémoriaux, une vieille épave gisait au fond de l’eau tout juste devant le Fort Saint-Jean.


Canada français, 14 octobre 1898

À peu près personne ne s’en souciait sauf les plaisanciers qui devaient s’en méfier doublement à cause de la puissance du courant à cet endroit.


Mais, en octobre 1898, il devient urgent de déplacer ce débris, car il gêne le dragage de la rivière et en un tournemain, sans grandes précautions, les restes sont soulevés et déposés sur la rive.


L’archéologie n’étant pas une passion dévorante à l’époque on abandonne le tout là, surtout que le navire a manifestement été visité par des pilleurs qui ont emporté tout ce qui pouvait avoir la moindre valeur monnayable.


À tout hasard, on laisse entendre que la carcasse est celle du Royal Savage, un navire militaire construit à Saint-Jean en 1775, sur ordre du gouverneur Guy Carleton, pour affronter les troupes étatsuniennes d’invasion.


Ce deux mâts équipé en schooner aurait été coulé par les troupes du général Montgomery lors de son attaque contre le Fort Saint-Jean.


Fin de l’histoire, chez nous.


Mais, c’est compter sans la détermination de la marine des États-Unis de recenser et de récupérer tous les bâtiments sur lesquels ont flotté ses drapeaux.


Il s’avère en effet que le Royal Savage a été renfloué par les troupes de Montgomery, remis en état et confié au général Benedict Arnold, qui était chargé d’imposer sa loi sur le lac Champlain.


Le schooner a mené nombre d’attaques avant de s’échouer à l’île Valcour.


Les Anglais l’ont alors repris, incendié et abandonné lorsqu’il fut devenu inutilisable.


 239 ans plus tard, en 1995, la marine des États-Unis a récupéré ce qu’il en restait pour le protéger et le mettre en musée.


Quant à l’épave du Fort Saint-Jean elle semble totalement oubliée, car elle ne figure pas dans les recensements d’épaves du Richelieu.