C’est bien connu : le Québec n’est pas du tout comme le reste de
l’Amérique du Nord.
En 1921, le gouvernement d’Alexandre
Taschereau en donnait une nouvelle preuve en adoptant la Loi sur les boissons
alcooliques qui créait la Commission des liqueurs de Québec (ancêtre de la SAQ
actuelle).
Alors que la prohibition sévit
tant aux États-Unis qu'au Canada et qu'elle contribue à faire naître de puissantes mafias et de vastes réseaux de contrebandiers, le Québec ne se contente pas d’autoriser la vente
d’alcool, mais il s’en réserve même le monopole commercial.
Puis, pour protéger ce monopole, la
même loi crée la police des liqueurs[1]
dont le premier nom officiel fut « Service de surveillance de la Commission des
liqueurs ».
Et il faut dire que ces policiers
ont eu fort à faire[2],
car le monopole étatique était fort mal vu de tous ceux qui misaient sur les
alcools pour épaissir leur portefeuille.
Les journaux font d’ailleurs
souvent référence aux interventions des agents de l’ordre pour faire respecter
toutes les interdictions prévues par la loi et il va de soi que nombre d’infractions
n’ont été ni découvertes ni sanctionnées.
C’est d’ailleurs l’argument que
servira Alphonse Tougas, en 1922, dans sa poursuite contre la compagnie d’assurance
« La Moderne », laquelle ne voulait pas l’indemniser pour l’incendie
qui avait détruit sa beurrerie d’Henryville.
En défense, la compagnie
alléguait que la beurrerie abritait un commerce clandestin de vente d’alcool et
que ce commerce avait fait augmenter le risque, ce qui annulait la police d’assurance.
Assez habilement, M. Tougas
assura alors qu’il n’avait jamais eu connaissance de ce commerce clandestin et
qu’on ne pouvait pas le blâmer pour cette ignorance puisque la police des
liqueurs elle-même n’arrivait pas à identifier tous les contrevenants.
Le juge accepta cet argument et
ordonna donc à la compagnie de payer l’indemnité prévue par la police d’assurance,
soit 3 000$.
Comme quoi l’inefficacité
supposée de la police des liqueurs était une opinion bien partagée.
[1] Les
agents de la police des liqueurs seront intégrés à la Police provinciale –
ancêtre de la SQ – en 1938.
[2] http://histoirehautrichelieu.blogspot.ca/2017/03/est-pris-qui-croyait-prendre.html
[3] Bien qu'approuvé par l'État, l'achat et la vente d'alcool avaient quand même un caractère quelque peu honteux. C'est pourquoi, durant de très longues décennies, les bouteilles étaient cachées derrière un comptoir grillagé où les clients n'avaient pas accès. C'étaient des préposés qui livraient l'achat - une seule bouteille à la fois - dans un sac de papier, supposément pour protéger le caractère quelque peu secret de la transaction...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ajouter vos commentaires ici. Ils seront tous lus avant publication. Seuls les textes corrects et polis seront retenus.