Au Québec, le régime municipal doit son existence à la
révolte des vaillants Patriotes qui se sont levés en 1837 et 1838 pour
combattre la corruption et la gabegie des forces d’occupation.
Dépêché sur place par Londres pour trouver les moyens
de faire disparaître les Canadiens-français, John George Lambton, comte de Durham, propose entre autres la création
d’organismes qui seraient chargés d’administrer chemins, routes et rues.
Ceci permettrait de passer
outre à la volonté des députés – tous Canadiens français – qui ne veulent pas
laisser les forces coloniales dépenser les impôts à leur guise.
De tâtonnement en
tâtonnement, la «clique du château[1]»,
comme on l’appelait à l’époque, fera imposer 4 lois entre 1840 et 1855 pour
contourner l’assemblée législative et faire émerger les premiers balbutiements
du régime municipal.
En application de ces lois,
Saint-Cyprien naît le 1er juillet 1845 et son territoire couvre
toute la paroisse du même nom, y inclus Napierville.
Mais des notables de cette
agglomération, peu désireux de financer des services dans les rangs,
s’entendent pour demander la séparation d’avec ce qu’ils appellent la
campagne.
À la suite d’un cheminement
laborieux, Napierville apparaît donc, le
21 février 1855, grâce à un décret du gouverneur.
En 1855, chacun des deux villages a maintenant
son conseil municipal et chacun vaque à ses occupations, adopte des règlements
de régie interne, d’entretien des routes et fossés, de la vitesse à respecter
(«au trot ordinaire»), etc.
Puis, patatras, le 14 avril
1856, le Conseil municipal de Napierville est convoqué à une réunion
spéciale :
À une session
spéciale du Conseil municipal du Village de Napierville, dûment convoquée par
avis donné à tous les membres et tenue
au lieu des séances ordinaires dudit Conseil, dans le dit village de
Napierville, le quatorzième jour d’avril mil huit cent cinquante-six à sept
heures de l’après-midi;
Joseph-Gaspard Laviolette, maire de Napierville |
Présents Joseph-Gaspard Laviolette, Maire, Grégoire
Racicot, Toussaint Catudal, Joseph-Raymond Crépeau, Louis Marceau,
François-Xavier Monast, François-Raymond Morrier, Conseillers;
Proposé par J-R Crépeau, secondé par Toussaint Catudal, que le Conseil
du Village de Napierville, ayant pris communication d’une proclamation de son
Excellence décrétant l’abolition de la
municipalité du susdit village et son annexion à la municipalité de la paroisse
de Saint-Cyprien adresse à J.O. Bureau Ecr.[2],
représentant du Comté de Napierville la lettre suivante afin de le prier de
bien vouloir bien employer tous les moyens en sa disposition pour nous procurer
une copie de tous les documents qui ont servi de base à la décision de
l’exécutif dans cette affaire.
La dite
proposition passe à l’unanimité.
Après quoi les
procédés dudit Conseil furent ajournés au premier lundi de mai prochain à sept
heures de l’après-midi.
J-G Laviolette, Maire
Jos Brunelle, Sec.
Trés.
N’ayant pas eu gain de cause, le conseil se réunit un
peu plus tard pour prendre quelques mesures conservatoires, notamment pour
percevoir les dernières créances et pour mettre en vente le mobilier de sa
salle de conseil...
Et puis, le 30 décembre 1856...
À une session spéciale
du Conseil municipal du Village de Napierville, dûment convoquée par avis
spécial donné à tous les membres et
tenue au lieu des séances ordinaires dudit Conseil, tenue, le trentième jour de
décembre mil huit cent cinquante-six à sept heures de l’après-midi, où les
membres suivants sont présents, savoir :
|
Sur motion du Conseiller
Louis Marceau, secondé par le Conseiller Fr. X. Monast, il est résolu :
[...]
Après quoi les
procédés dudit Conseil furent finis.
Jos Brunelle,
Sec. Trés.
J-G Laviolette, Maire
Ce sont là les derniers mots du dernier procès-verbal
de ce conseil. Notons qu’à
cette ultime réunion, 3 conseillers ont brillé par leur absence : Grégoire Racicot, Joseph-Raymond
Crépeau, François-Raymond Morrier.
Selon l’historien Lionel Fortin[4],
la disparition de la municipalité de Napierville aurait été tramée en catimini
par l’ancien – et premier – maire de Napierville, le notaire Antoine
Merizzi.
Ce dernier aurait discrètement
fait circuler une pétition à cet effet avant de l’acheminer avec succès aux
bureaux du gouverneur.
La dissolution de Napierville et son annexion par
Saint-Cyprien entreront officiellement en vigueur le 1er janvier
1857, et, dès le 5 janvier, le conseil de Saint-Cyprien siège comme si de rien
n’était :
À une session
générale et mensuelle du Conseil municipal de la paroisse de Saint-Cyprien
tenue au Palais de Justice au village de
Julien Grégoire, maire de Saint-Cyprien. |
Règles &
Règlements du Conseil municipal de la
paroisse de St-Cyprien, etc. etc.
Le régime commun durera jusqu’au 1er
janvier 1873.
Puis la querelle des
services à assurer dans les rangs reprend de plus belle et les gens de
Napierville entreprennent à nouveau de se replier sur leurs intérêts
immédiats.
Des démarches pour obtenir la
séparation des deux entités débutent dès 1871 et aboutiront 2 ans plus tard.
Cette fois-ci sera la bonne et,
depuis, tant Saint-Cyprien que Napierville mènent leur barque de façon
distincte et appropriée aux besoins de leurs commettants.
Longue vie aux deux!
[1] La clique du château désigne un regroupement de profiteurs proches du
gouverneur et lui dictant ses décrets.
[2] Écuyer : c’est un titre de courtoisie que les Anglais se
distribuaient entre eux et qui faisait plus chic que Monsieur. Certains québécois l’ont aussi singé.
[3] Tiré des procès-verbaux municipaux de la date indiquée.
[4] Saint-Cyprien et Napierville, 175 ans, 1823-1998, édité par le Comité
des fêtes des 175 ans de Saint-Cyprien et Napierville.
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