En 1664, Pierre Boucher, alors seigneur de Boucherville, écrit : « Il y a
une autre sorte d'oiseaux, qui se nomment Tourtes ou Tourterelles (comme vous
voudrez) : elles sont presque grosses comme des pigeons, et d'un plumage
cendré. Les mâles ont la gorge rouge, et
sont d'un excellent goût. Il y en a des quantités prodigieuses et l'on en tue
des quarante et quarante-cinq d'un
coup de fusil. Ce n'est pas que cela se fasse d'ordinaire,
mais pour en tuer huit, dix, ou douze, cela est commun. Elles viennent d'ordinaire au mois de mai, et
s'en retournent au mois de septembre; il s'en trouve universellement par tout
ce pays-ci. Les Iroquois les prennent à la passée avec des rets; ils en
prennent quelques fois des trois et quatre cents d'un coup. »
Dans un texte de 1686, le baron de Lahontan relate que Monseigneur de
Laval, évêque de Nouvelle-France, a dû exorciser des tourtes plus d'une fois, «
pour le salut des biens de la terre ».
Toutefois... «La Tourte a été
signalée dans la plupart des régions du sud du Québec. Néanmoins, les indices
de nidification sont très peu nombreux et il semble que relativement peu
d'individus nichaient sur le territoire québécois », expliquent Michel Gosselin
et Michel Robert dans Les Oiseaux
nicheurs du Québec, premier atlas publié en 1995.
Selon eux, au 18e siècle, de petites colonies étaient établies à Saint-Jean-Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu) et à
Baie-Saint-Paul. En 1887, alors que le déclin était à son maximum, l'espèce a
niché jusqu'à Chisasibi (Baie de James), comme si le Québec avait pu servir
d'ultime refuge.
Le dernier oiseau du Québec fut un mâle signalé par le gardien de phare de
Pointe-des-Monts sur la Côte-Nord, à l’entrée du golfe, en mai 1911.
L'île aux Tourtes, en face de Vaudreuil-Dorion, et Pigeon Hill dans le
comté de Brome-Missisquoi, sont parmi les toponymes du Québec rappelant
l'espèce.
La Tourterelle triste, pour sa part, arrive plus tard au Québec. Elle n’y niche en effet pour la première fois
à Oka qu’en 1913 (on l'avait même alors pris, pour une tourte).
Son aire de nidification, d'abord restreinte à la région immédiate de Montréal, s'est étendue vers le milieu des années 1950 et son aire d'hivernage s'est agrandie depuis le début des années 1970, en lien avec l'augmentation de la culture du maïs et la popularité des mangeoires.
Son aire de nidification, d'abord restreinte à la région immédiate de Montréal, s'est étendue vers le milieu des années 1950 et son aire d'hivernage s'est agrandie depuis le début des années 1970, en lien avec l'augmentation de la culture du maïs et la popularité des mangeoires.
Tourte et tourtière
En France, aux
17e et 18e siècles, la tourtière était un ustensile rond
muni d'un couvercle servant à la cuisson de pâtisseries, comme les tartes et
les tourtes (pâtés à la viande).
Ce nom vient
de l'ancien latin torta, ellipse de torta
panis (« pain rond »).
Par métonymie, on a utilisé le nom du
contenant pour le contenu, comme on l'a fait plus récemment pour paella et
tajine; dès 1870 pourtant, le dictionnaire Littré déconseillait cet usage en
France.
Donc, nommer
tourtière le pâté à la viande n'était pas particulier à la Nouvelle-France, et
la tourte, un oiseau nord-américain, ne peut pas être à l'origine du mot
tourtière.
Le nom de
l'oiseau que Jacques Cartier appelait turtre
dans ses écrits vient, quant à lui, du latin turtur dont le diminutif turturella a donné tourterelle.
En 1651, La
Varenne proposait dans Le cuisinier
françois 34 versions de tourtes (pâtés) dont la tourte aux alouettes et la
tourte aux pigeonneaux.
Jean-Pierre
Lemasson écrit dans L'incroyable odyssée
de la tourtière que, même si l'idée de mettre des oiseaux dans les
tourtières existe depuis la nuit de temps, il n'a trouvé nulle part la preuve
que les tourtes entraient dans la composition des tourtières au Québec.
Par contre,
nos voisins ontariens et états-uniens les mentionnaient souvent comme
ingrédient de leur Pigeon Pie.
Même si les
écrits sont rares, il est certain qu'on mangeait des tourtes abondamment
puisque les bouchers de Québec se plaignaient en 1710 de vendre beaucoup moins
de viande durant « le temps des tourterelles », alors que cette manne tombait
littéralement du ciel.
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