Nous sommes en 1921.
Louis-Philippe Granger revient d’une année passée dans une laiterie de
Saint-Henri.
À Saint-Jean, la tête pleine de projets, il achète la clientèle et les 6
vaches d’un laitier et se lance à son compte.
Tout de suite, il se démarque par son souci de l’hygiène, laquelle, dans
un premier temps, le pousse à offrir deux livraisons par jour pour assurer la
fraîcheur.
Dès 1923, il commence à livrer son lait en bouteilles, l’un des premiers
à adopter ce nouvel emballage.
Il va aussi passer à la pasteurisation - dès 1924, le premier au Québec - avant même qu’elle soit obligatoire
et finalement il offrira du lait en poudre pour des applications spécifiques.
Le passage à la pasteurisation a soulevé des inquiétudes, les ménagères
craignant que le produit soit de moins bonne qualité.
Durant un mois, il va donc distribuer le lait pasteurisé sans le
déclarer et personne ne perçoit la différence… Pari gagné.
En fait la qualité de son lait était si réputée que d’autres laiteries,
dont la "Laiterie Reid" de Châteauguay et celle de Germain Quintal à Delson,
venaient s’approvisionner chez « Granger & Frères » de St-Jean.
Mais l’innovation la plus marquante, et sans doute la plus
avant-gardiste, fut l’achat - à la fin des années 1950 - d’une flotte de
camions électriques pour assurer les livraisons.
Le premier fut acquis en 1958 et, les essais ayant été concluants, 6 autres furent achetés dès l'année suivante. En 1960, 2 autres camions électriques, mais de plus grand format, furent ajoutés.
Fabriqués en Angleterre par la compagnie « Smith’s NCB »
(Northern Coach Builder), ces véhicules avaient une autonomie d’une soixantaine
de kilomètres et pouvaient atteindre une vitesse maximum d’une trentaine de
kilomètres à l’heure.
Rien de mirobolant, donc, mais des machines increvables qui faisaient
fort bien ce que l’on attendait d’elles.
La plupart du temps, le chauffeur négligeait son siège et conduisait en
position debout ce qui lui évitait de se relever pour chacune des nombreuses
livraisons.
Par ailleurs, ces camions étaient dotés de larges ouvertures de chaque
côté, ce qui permettait au chauffeur de sortir indifféremment d’un côté ou de
l’autre et, chargé de ses bouteilles, d’aller aisément porter les achats au
seuil de toutes les portes de la clientèle.
Le gain de confort et d’efficacité était appréciable.
Bref, la flotte a rempli son office durant de nombreuses années.
On chuchote seulement que nombre d’ouvriers matinaux comptaient sur le
bruit du pas des chevaux pour se réveiller le matin et que le silence absolu
des nouveaux camions les privait de cet avantage marginal…
Quant à la laiterie Granger, elle a été acquise, en 1972, par sa
concurrente, la laiterie Samoisette, laquelle ne se présente guère cependant
que comme distributeur des produits Granger.
Autre hommage à la qualité de ces produits.
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