Nous sommes
en juillet 1908 et Québec s’apprête à célébrer le tricentenaire de sa
fondation.
Le Canada Français
saisit cette occasion de rappeler une victoire célèbre remportée à Québec
contre l’envahisseur anglais.
On connaît
l’épisode.
En 1690, entièrement
imbu de la suffisance britannique, William Phips, commandant d’une considérable
flotte d’invasion, envoie au gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, un
émissaire chargé d’exiger sa reddition sans condition.
La réplique
de Frontenac ne se fait pas attendre :
« Je vous répondrai par la bouche de mes canons. »
Peu de
temps après, un coup de canon bien ajusté fait tomber dans le fleuve de drapeau
du navire amiral de Phips.
Immédiatement,
un intrépide Québécois se jette à l’eau et va chercher cette prise hautement
symbolique…
Pour
faciliter la lecture, nous retranscrivons ici le texte du poème de Louis
Fréchette, tiré de LA LÉGENDE D’UN PEUPLE.
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À la nage !
Phipps
bombardait Québec.
Du haut de son
nid d’aigle,
Frontenac
tenait ferme et ripostait en règle.
La veille, un
envoyé de l’amiral anglais
Avait, signaux
en mains, pris pied sur les galets
Où du Cap
Diamant l’escarpement se dresse,
Et, porteur
d’un message insolent dont l’adresse
Ne dissimulait
point l’orgueilleuse teneur,
S’était fait
introduire auprès du gouverneur.
Celui-ci,
digne et grand comme un guerrier de Troie,
Calme, avait
répliqué :
– Dites à qui
vous envoie
– Pas besoin,
n’est-ce pas, d’en faire un parchemin –
Que mes canons
français lui répondront demain ! –
Et Phipps de
ses vaisseaux, Québec de ses murailles,
Échangeaient
acharnés des trombes de mitrailles.
C’était un
imposant spectacle en son horreur.
Le bronze
inconscient, comme pris de fureur,
Dans ce cirque
bordé de forêts séculaires,
Semblait de
l’âme humaine emprunter les colères.
Tandis que
l’assiégeant, de ces boulets rougis,
Démantelait
les murs, éventrait les logis,
Et menaçait
enfin de tout réduire en poudre,
La faible
garnison, tonnant comme la foudre,
Criblait les
lourds vaisseaux jusqu’à leur flottaison.
Enfermée au
milieu de ce vaste horizon
De grands
rochers à pic, de gorges ténébreuses,
De longs
coteaux boisés, de montagnes ombreuses,
Dont les cent
mille échos portaient jusqu’au désert
Les sauvages
accords du farouche concert
Qui du fleuve
grondant montaient jusqu’à leur cime,
Malgré son
noir cachet la scène était sublime !
Tout à coup
des vaisseaux part un cri de démon.
Du navire
amiral la corne d’artimon,
Qu’a coupée un
boulet bien pointé de la rive,
Avec son
pavillon culbute à la dérive.
Aussitôt, à ce
cri de colère éperdu
Du haut de nos
remparts un autre a répondu, –
Une
acclamation de triomphe et de joie...
Ce drapeau que
le flot emporte, quelle proie !
Un canot du
navire anglais s’est détaché ;
Mais un autre
boulet juste à temps décoché,
Avant même
qu’un quart de minute s’écoule,
Va lui crever
le flanc, le renverse, et le coule.
– Allons ! dit
Frontenac, ce drapeau c’est la croix !
Qui sera
chevalier ?
– Moi ! répond
une voix.
Et, dans mille
bruits du vent et du carnage,
Un jeune homme
s’avance et se jette à la nage.
– Bravo !
bravo ! bravo !
Maintenant
tous les yeux,
Tournés vers
un seul but, concentrés, anxieux,
Vont suivre
désormais le tout petit sillage
Qui trahit du
héros l’audacieux voyage.
Lui nage avec
vigueur, tête haute, ou plongeant
Sous le feu
des Anglais, qui jurant et rageant,
Pour sauver
leur drapeau, de loin, sans intervalles,
Tout autour du
point noir font crépiter les balles.
La vague est
suffocante et le courant est fort :
N’importe !
sans faiblir, et redoublant d’effort,
L’homme rit du
péril et s’avance quand même.
À de certains
moments, anxiété suprême,
On n’aperçoit
plus rien. Est-ce fini ?... Mais non !
Le nageur
reparaît aux éclairs du canon,
Et s’avance
toujours haletant et farouche
Vers le
drapeau flottant.
Il l’atteint,
il le touche...
– Hourra !...
. . . . . . .
. . . . . . . . . . .
Trois jours
plus tard, quand, après maint échec
Plus ou moins
désastreux, du bassin de Québec
Phipps dut
battre en retraite avec sa flotte anglaise,
Le drapeau
prisonnier flottait sur la falaise.
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Il faut aussi rappeler que ce drapeau fut
longtemps exposé dans la chapelle Notre-Dame-des-Victoires.
En 1759, lorsque Québec fut envahi par les
hordes anglaises, l’un des premiers gestes des occupants fut de récupérer le
drapeau, symbole de leur honte.
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