mardi 3 juillet 2018

À LA NAGE… EN 1690





Nous sommes en juillet 1908 et Québec s’apprête à célébrer le tricentenaire de sa fondation.

Le Canada Français saisit cette occasion de rappeler une victoire célèbre remportée à Québec contre l’envahisseur anglais.

On connaît l’épisode.

En 1690, entièrement imbu de la suffisance britannique, William Phips, commandant d’une considérable flotte d’invasion, envoie au gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, un émissaire chargé d’exiger sa reddition sans condition.

La réplique de Frontenac ne se fait pas attendre :  « Je vous répondrai par la bouche de mes canons. »

Peu de temps après, un coup de canon bien ajusté fait tomber dans le fleuve de drapeau du navire amiral de Phips.

Immédiatement, un intrépide Québécois se jette à l’eau et va chercher cette prise hautement symbolique…

Pour faciliter la lecture, nous retranscrivons ici le texte du poème de Louis Fréchette, tiré de LA LÉGENDE D’UN PEUPLE.
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À la nage ! 

Phipps bombardait Québec.
Du haut de son nid d’aigle,
Frontenac tenait ferme et ripostait en règle.
La veille, un envoyé de l’amiral anglais
Avait, signaux en mains, pris pied sur les galets
Où du Cap Diamant l’escarpement se dresse,
Et, porteur d’un message insolent dont l’adresse
Ne dissimulait point l’orgueilleuse teneur,
S’était fait introduire auprès du gouverneur.
Celui-ci, digne et grand comme un guerrier de Troie,
Calme, avait répliqué :
– Dites à qui vous envoie
– Pas besoin, n’est-ce pas, d’en faire un parchemin –
Que mes canons français lui répondront demain ! –
Et Phipps de ses vaisseaux, Québec de ses murailles,
Échangeaient acharnés des trombes de mitrailles.
C’était un imposant spectacle en son horreur.
Le bronze inconscient, comme pris de fureur,
Dans ce cirque bordé de forêts séculaires,
Semblait de l’âme humaine emprunter les colères.
Tandis que l’assiégeant, de ces boulets rougis,
Démantelait les murs, éventrait les logis,
Et menaçait enfin de tout réduire en poudre,
La faible garnison, tonnant comme la foudre,
Criblait les lourds vaisseaux jusqu’à leur flottaison.
Enfermée au milieu de ce vaste horizon
De grands rochers à pic, de gorges ténébreuses,
De longs coteaux boisés, de montagnes ombreuses,
Dont les cent mille échos portaient jusqu’au désert
Les sauvages accords du farouche concert
Qui du fleuve grondant montaient jusqu’à leur cime,
Malgré son noir cachet la scène était sublime !
Tout à coup des vaisseaux part un cri de démon.
Du navire amiral la corne d’artimon,
Qu’a coupée un boulet bien pointé de la rive,
Avec son pavillon culbute à la dérive.
Aussitôt, à ce cri de colère éperdu
Du haut de nos remparts un autre a répondu, –
Une acclamation de triomphe et de joie...
Ce drapeau que le flot emporte, quelle proie !
Un canot du navire anglais s’est détaché ;
Mais un autre boulet juste à temps décoché,
Avant même qu’un quart de minute s’écoule,
Va lui crever le flanc, le renverse, et le coule.
– Allons ! dit Frontenac, ce drapeau c’est la croix !
Qui sera chevalier ?
– Moi ! répond une voix.
Et, dans mille bruits du vent et du carnage,
Un jeune homme s’avance et se jette à la nage.
– Bravo ! bravo ! bravo !
Maintenant tous les yeux,
Tournés vers un seul but, concentrés, anxieux,
Vont suivre désormais le tout petit sillage
Qui trahit du héros l’audacieux voyage.
Lui nage avec vigueur, tête haute, ou plongeant
Sous le feu des Anglais, qui jurant et rageant,
Pour sauver leur drapeau, de loin, sans intervalles,
Tout autour du point noir font crépiter les balles.
La vague est suffocante et le courant est fort :
N’importe ! sans faiblir, et redoublant d’effort,
L’homme rit du péril et s’avance quand même.
À de certains moments, anxiété suprême,
On n’aperçoit plus rien. Est-ce fini ?... Mais non !
Le nageur reparaît aux éclairs du canon,
Et s’avance toujours haletant et farouche
Vers le drapeau flottant.
Il l’atteint, il le touche...
– Hourra !...
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Trois jours plus tard, quand, après maint échec
Plus ou moins désastreux, du bassin de Québec
Phipps dut battre en retraite avec sa flotte anglaise,                                                   
Le drapeau prisonnier flottait sur la falaise. 

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Il faut aussi rappeler que ce drapeau fut longtemps exposé dans la chapelle Notre-Dame-des-Victoires.
En 1759, lorsque Québec fut envahi par les hordes anglaises, l’un des premiers gestes des occupants fut de récupérer le drapeau, symbole de leur honte.

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