mardi 19 décembre 2017

ENSEIGNER EN PRISON...




Soeur Blondin - Archives de la communauté
En 1850, Esther Blondin fonde à Vaudreuil la communauté des sœurs de Sainte-Anne à la fois pour former les futures enseignantes des écoles de rang et pour  enseigner elles-mêmes afin de relever le niveau jugé désastreux du système scolaire.


Dès l’année suivante, la communauté entreprend de s’installer dans les villages avoisinants et en 1857 elle arrive déjà dans la paroisse de Saint-Cyprien-de-Napierville où les a invitées le curé Charles-François Calixte Morisson.


Elles s’y installent dans l’ancienne chapelle et connaissent rapidement le succès, même si à cette époque elles ne peuvent accueillir de pensionnaires.


Malgré ce handicap, elles vont former des centaines d’élèves – et même susciter de nouvelles vocations – au cours des années.


Au mois de décembre 1886, toutefois, la catastrophe frappe et la chapelle est entièrement détruite par le feu qui a également ravagé l’église Saint-Cyprien et deux maisons voisines.


La désolation est évidemment très grande, mais pas question de quitter les lieux vu le succès immense de l’institution et les attentes innombrables qu’elle a fait naître.
 
Palais de justice et prison - Source BANQ.

Hélas !  Les immeubles disponibles ne sont pas légion au village, alors c’est sur la prison installée dans le palais de justice qu’il faut se rabattre en attendant la construction d’un édifice spécialement conçu pour répondre aux besoins modernes en matière d’enseignement et d’internat de jeunes filles.



Durant plus de deux ans donc, religieuses et élèves devront endurer un surcroît d’inconfort derrière les barreaux pour assurer la transmission du savoir.


Heureusement pour elles, le nouveau couvent devient disponible en 1889.  Il a été érigé en même temps que l’on reconstruisait l’église.



Inauguré le 1er septembre de cette année, il restera en service jusqu’en 1989, année où il a été vendu à un promoteur qui l’a transformé en résidence pour personnes âgées.


mardi 12 décembre 2017

À BIDDEFORD, MAINE, UN DES NÔTRES...






À la fin du 19e siècle, s’est installé à Biddeford, sur la Saco, dans le Maine, pas très loin de Old Orchard, un journaliste de choc bien de chez nous.


Alfred Bonneau, un Johannais né en 1862, formé au droit et à la comptabilité, s’est trouvé si dégoûté de la Confédération canadienne et de ses volontés ethnocides contre les Canadiens-français qu’il décide, en 1889, d’émigrer dans le Maine aux États-Unis.


Là, il s’intègre rapidement aux milieux canadiens-français influents et durant 4 ans, de 1889 à 1893, il se fait journaliste au journal L’Étoile, de Lowell.


Ceci lui permet de mieux saisir encore le sort tout à fait inacceptable imposé aux siens et le pousse à s’impliquer dans divers organismes voués à la « survivance » de notre peuple.


En 1893, il accepte la direction de L’Observateur de Biddeford où il peut lancer toute la dureté de sa plume contre les Anglo-saxons qui dominent le continent.


Pour lui, «cette race, issue de criminels, d’indigents et de prostituées ne s’est enrichie que par le viol, la spoliation, le massacre, la traite des esclaves, la vente du rhum aux Indiens et la contrebande.»  

Rien ne peut vraiment la racheter.


Ces volées de bois vert lui valent évidemment de nombreux applaudissements dans les milieux qui comptent et lui permettent notamment d’obtenir la main d’Anna Tétrault, fille de Narcisse Tétrault, boulanger, pâtissier et influent homme d’affaires du lieu.

Tiré de «Le guide français de la Nouvelle-Angleterre»



Solidement en selle désormais, il fonde La Justice qu’il dirigera jusqu’à sa mort en 1920 et dont il fera à la fois un organe de diffusion culturelle canadienne-française, de lutte pour la « survivance» et de combat contre la bâtardise des anglo-protestants étatsuniens de même que contre les évêques irlandais tous tournés vers la disparition pure et simple du fait français.



Alfred Bonneau mènera ces combats jusqu’à sa mort en 1920, ayant notamment milité dans la commission scolaire, à l’assistance publique, au Conseil Chagnon de l’Union Saint-Jean-Baptiste d’Amérique, à la Société historique franco-américaine ainsi qu’à la Société Saint-Jean-Baptiste de Bienfaisance et des Artisans.


La réputation de M. Bonneau s’étendait évidemment jusqu’au Québec et le Canada Français n’a notamment pas manqué de souligner, le jeudi 14 décembre 1893, sa prise en main de L’Observateur.






mardi 5 décembre 2017

LE FRÈRE DE LOUIS-JOSEPH...

Louis-Joseph Papineau


Louis-Joseph Papineau est très avantageusement connu en raison des luttes épiques qu’il a menées, au 19e siècle, contre les occupants anglais pour leur faire reconnaître le gouvernement responsable ainsi que les droits démocratiques de la majorité canadienne-française.

Très soutenu et prisé par son peuple, il a néanmoins dû s’exiler pour échapper aux persécutions qui l’attendaient aux mains des despotes anglo-saxons.

Tout cela est assez bien connu, mais qui sait encore que son frère cadet, Toussaint-Victor (Montréal 1798-Pointe-aux-Trembles 1869), a préféré le sacerdoce aux luttes politiques et qui sait encore qu’il a été curé chez nous, à Saint-Luc, durant deux ans ?


En fait, de dire qu’il a préféré la prêtrise est un bien grand mot, car il a longtemps hésité et n’a cédé qu’au terme d’un long débat intérieur.

Et même une fois son choix arrêté, il semblait encore si hésitant que son cousin, Jean-Jacques Lartigue, premier évêque de Montréal, a sérieusement tenté de le dissuader, car il venait d’une famille de libres penseurs entichés de la philosophie des Lumières.

Après avoir été refusé par le séminaire de Baltimore, il s’inscrit au Grand séminaire de Québec où sa négligence et son impiété ne passent pas inaperçues.

Il est quand même ordonné prêtre le 20 septembre 1823, à 25 ans, et est immédiatement nommé vicaire à Chambly en même temps que prêtre desservant Saint-Damase-sur-Yamaska (1823-24).

Il est ensuite déplacé de paroisse en paroisse jusqu’en 1842, alors qu’il est nommé curé de Saint-Luc.

Son action, là, ne semble pas avoir laissé de traces durables, si ce n’est que son premier acte officiel date du 24 septembre 1842 et son dernier du 22 septembre 1844, presque deux ans plus tard jour pour jour.

Il occupera encore les cures de Saint-Marc et de Saint-Barthélémy avant de prendre sa retraite en 1861.

Il se retire alors chez les Dames de la Congrégation à leur couvent de la Pointe-aux-Trembles où il meurt en 1869, deux ans avant son célébrissime frère.

mardi 28 novembre 2017

ALCOOL ET ASSURANCES...



C’est bien connu :  le Québec n’est pas du tout comme le reste de l’Amérique du Nord.
 
(3)

En 1921, le gouvernement d’Alexandre Taschereau en donnait une nouvelle preuve en adoptant la Loi sur les boissons alcooliques qui créait la Commission des liqueurs de Québec (ancêtre de la SAQ actuelle).



Alors que la prohibition sévit tant aux États-Unis qu'au Canada et qu'elle contribue à faire naître de puissantes mafias et de vastes réseaux de contrebandiers, le Québec ne se contente pas d’autoriser la vente d’alcool, mais il s’en réserve même le monopole commercial.
 
Source : Pinterest

Puis, pour protéger ce monopole, la même loi crée la police des liqueurs[1] dont le premier nom officiel fut « Service de surveillance de la Commission des liqueurs ».


Et il faut dire que ces policiers ont eu fort à faire[2], car le monopole étatique était fort mal vu de tous ceux qui misaient sur les alcools pour épaissir leur portefeuille.


Les journaux font d’ailleurs souvent référence aux interventions des agents de l’ordre pour faire respecter toutes les interdictions prévues par la loi et il va de soi que nombre d’infractions n’ont été ni découvertes ni sanctionnées.


C’est d’ailleurs l’argument que servira Alphonse Tougas, en 1922, dans sa poursuite contre la compagnie d’assurance « La Moderne », laquelle ne voulait pas l’indemniser pour l’incendie qui avait détruit sa beurrerie d’Henryville.


En défense, la compagnie alléguait que la beurrerie abritait un commerce clandestin de vente d’alcool et que ce commerce avait fait augmenter le risque, ce qui annulait la police d’assurance. 


Assez habilement, M. Tougas assura alors qu’il n’avait jamais eu connaissance de ce commerce clandestin et qu’on ne pouvait pas le blâmer pour cette ignorance puisque la police des liqueurs elle-même n’arrivait pas à identifier tous les contrevenants.


Le juge accepta cet argument et ordonna donc à la compagnie de payer l’indemnité prévue par la police d’assurance, soit 3 000$.


Comme quoi l’inefficacité supposée de la police des liqueurs était une opinion bien partagée.






[1] Les agents de la police des liqueurs seront intégrés à la Police provinciale – ancêtre de la SQ – en 1938.


[2] http://histoirehautrichelieu.blogspot.ca/2017/03/est-pris-qui-croyait-prendre.html
[3] Bien qu'approuvé par l'État, l'achat et la vente d'alcool avaient quand même un caractère quelque peu honteux.  C'est pourquoi, durant de très longues décennies, les bouteilles étaient cachées derrière un comptoir grillagé où les clients n'avaient pas accès.  C'étaient des préposés qui livraient l'achat - une seule bouteille à la fois - dans un sac de papier, supposément pour protéger le caractère quelque peu secret de la transaction...

mardi 21 novembre 2017

VOL AUDACIEUX




Le village de Napierville n’a pas toujours été le petit bourg assoupi qu’il est devenu de nos jours.
  
En novembre 1907, par exemple, il a connu un vol de banque explosif.
 
Presque en face du couvent des Sœurs de Sainte-Anne[1] se dressait alors une succursale de la Banque de Saint-Jean[2], un peu en retrait dans cette rue de l’église assez peu développée à l’époque.

En cette nuit du 14 novembre, une bande malfaiteurs grimpe jusqu’au logement de fonction que le gérant de la banque, Charles Brault, et son épouse occupent au-dessus de l’institution et enjoignent à Brault de se dépêcher d’aller leur ouvrir le coffre.

Contrairement aux consignes de maintenant qui interdisent aux employés de banque de tenter quoi que ce soit pour empêcher les vols armés, Brault saute à la gorge d’un des bandits et ne lâche prise que lorsqu’un autre brigand lui assène un solide coup de marteau sur la tête.

Lui braquant ensuite un pistolet sur la tempe ils lui intiment l’ordre de descendre dans la succursale et de leur ouvrir le coffre-fort.

Bientôt à pied d’œuvre, Brault tourne le bouton et agite la poignée, mais alléguant le méchant coup qu’il a reçu sur la tête il se dit incapable de se remémorer la combinaison.

Les truands décident alors de recourir à la dynamite et rapidement, après avoir disposé des coussins pour amortir le bruit de l’explosion, ils font sauter la porte et se sauvent en emportant plus de deux mille dollars, principalement  en billets émis par la banque…. dont la valeur allait s’évaporer sous peu.













[1]Sis rue de l’Église, il est devenu une résidence pour personnes âgées en 1998.
[2] Qui fit une banqueroute scandaleuse l’année suivante... Voir notamment http://histoirehautrichelieu.blogspot.ca/2016/01/le-mouton-noir-de-henryville.html