mardi 27 février 2018

QUAND LE SEIGNEUR FAIT DE LA TERRE...


Manoir construit pour W. P. Christie à Iberville - Source : Culture et Communications Québec


Au début du 19e siècle, les seigneuries riveraines du Richelieu appartiennent toutes à William Plenderleath Christie, le bâtard du général Gabriel Christie.

La plupart présentent la désagréable particularité d’être couvertes de marais et d’être souvent inondées, ce qui complique les relations avec les censitaires qui exigent des remises de rentes ou de n’être taxés que pour les superficies réellement exploitables. 

Pour compenser ces pertes, W. P. Christie demande au gouvernement d’occupation militaire de lui accorder des terres supplémentaires ailleurs. 

N’étant pas de la bonne coterie, sa requête lui est refusée.

Il décide alors de tenter une expérience de drainage. 

Au centre de la seigneurie, dans le territoire de Saint-Valentin (Stottsville, à l’époque) se trouve un petit lac et des terres voisines fort humides qui empêchent toute exploitation.

En 1837, Christie commande donc une étude de faisabilité et charge son bras droit – William McGinnis – d’embaucher la main d’œuvre nécessaire.

Il faut même dire « importante main d’œuvre », car l’œuvre entreprise est colossale :  creuser jusqu’au petit ruisseau Bleury (affluent du Richelieu) un fossé de 3 kilomètres de long, large de 2,4 mètres et profond de 1,4 mètre.

Il a même fallu surcreuser à certains endroits, mais, au final, ce sont environ 8 000 arpents qui ont pu ainsi être récupérés.  

Or, 5 000 de ces arpents étaient déjà concédés et faisaient donc partie de la censive.  

Tant que ces terres étaient inondées, elles ne rapportaient pas de revenus et, une fois drainées, elles ne lui procuraient que £100. 

Il s’agissait d’une bien piètre compensation pour tant d’efforts et d'investissements.  

Christie s’est alors mis à compter sur les 3 000 autres arpents pour se renflouer. 

Il a d’abord baptisé ce nouveau domaine Lakefield (nom qui subsiste de nos jours comme lieu-dit).

Puis, comprenant que se contenter de le donner en censive ne serait pas  rentable, il forme le projet de transformer la tenure de ces terres en franc et commun soccage, c’est-à-dire en terres libres, dégagées du régime seigneurial et susceptibles d’être vendues en pleine propriété.

N’appartenant toujours pas à la bonne coterie, il essuie un nouveau refus.
 
Mission Feller vers 1840 - Source : http://www.rossierfamily.net/feller_institute.html
Il décide alors de prendre des mesures pour que ces terres profitent à la mission Feller de la Grande Ligne de Saint-Blaise, mission qu’il encourage dans l’espoir de « protestantiser » et « angliciser» ses censitaires canadiens-français.

Se ravisant par la suite, il léguera le tout à son épouse Amélia Bowman.

Voilà comment un petit lac connut une longue histoire.


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